Article originalChimiothérapie et fin de vie dans les cancers broncho-pulmonaires : analyse des pratiquesChemotherapy at the end of life for patients with lung cancer. A practice analysis
Introduction
En France, le cancer du poumon est au quatrième rang des cancers les plus fréquents, avec une estimation de 39 500 nouveaux cas par an [1]. Il s’agit de la deuxième cause de mortalité chez l’homme et de la troisième chez la femme. Malgré les progrès récents, le pronostic reste réservé, avec une survie globale à 5 ans de 14 % et de seulement 3,8 % pour les stades métastatiques [1].
Récemment, plusieurs équipes se sont intéressées à l’agressivité des soins en fin de vie, définie par la poursuite de soins actifs pendant la période précédant le décès [2], [3], [4], [5]. Ces études concernent le plus souvent des populations de patients atteints de tumeurs solides ; les études limitées aux personnes atteintes de cancers du poumon, en particulier à un stade avancé, sont plus rares [6], [7], [8], [9]. Pourtant le cancer du poumon à des spécificités, en particulier une évolution rapide et un nombre limité d’options thérapeutiques au-delà de la première ligne de traitement. Pour le cancer du poumon métastatique, avec une médiane de survie en population générale qui est de l’ordre de 8 mois, on considère que la période de fin de vie est le dernier mois de vie. Il n’existe pas de définition standardisé de l’agressivité des soins en oncologie. Certains [2] ont défini l’agressivité des soins en fin de vie comme la survenue d’au moins un des évènements suivants : chimiothérapie active dans les 14 jours précédant le décès, passage au service des urgences, hospitalisation ou admission dans un service de soins intensifs dans les 30 jours précédant le décès. L’inconvénient de cette définition est qu’elle fait intervenir des éléments d’organisation traduisant des défauts de continuité des soins. En fait la plupart des auteurs définissent la notion d’agressivité des soins par le taux de patients qui reçoivent un traitement actif dans les dernières semaines de leur vie, en général, les 4 et 2 dernières semaines. C’est le cas de l’American Society of Clinical Oncology qui dans le cadre de la Quality oncology practice initiative retient comme critère de qualité le fait de ne pas recevoir de traitement actif dans les deux dernières semaines de vie [10]. Les données épidémiologiques dans ce domaine sont peu nombreuses, en particulier en France.
L’objectif de cette étude est, dans le cadre d’une analyse monocentrique, d’établir le pourcentage de patients traités de manière active en fin de vie et les facteurs prédictifs de l’agressivité des soins.
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Patients et méthode
Il s’agit d’une étude rétrospective ayant inclus l’ensemble des patients atteints d’un cancer pulmonaire, décédés, quel que soit la cause, entre avril 2010 et septembre 2011 et suivis dans le service de pneumologie de l’hôpital Saint-Antoine (Paris, France). Les patients pris en charge en partie dans un autre centre médical ont étés exclus.
Pour chaque patient, l’analyse des dossiers médicaux a permis de recueillir les caractéristiques démographiques, socioprofessionnelles, la date de la
Résultats
L’analyse a porté sur 94 patients dont les caractéristiques cliniques sont résumées dans le Tableau 1. La majorité des patients (75 %) était de sexe masculin, la moitié (52 %) était mariée, avec au moins un enfant. Cinquante-huit pour cent des patients étaient ouvriers, employés ou sans activité professionnelle et 9,6 % étaient en précarité sociale. Aucun n’avait rédigé de directive anticipé. Sur le plan tumoral, il s’agissait avant tout d’adénocarcinome (44,7 %) et de maladies avancées
Discussion
La chimiothérapie est le traitement de référence du cancer du poumon métastatique. Son utilisation en fin de vie, et de manière plus générale l’agressivité des soins en fin de vie est un domaine peu étudié. Dans cette étude rétrospective monocentrique, portant sur une série de patients décédés de manière consécutive sur une période de 18 mois, 92 % des patients reçoivent au moins un traitement actif, la survie médiane est de 9,6 mois et le taux de patients recevant un traitement actif les 4 et
Conclusion
L’arrêt des soins actifs en fin de vie des patients atteints de cancer du poumon est un problème majeur avec des enjeux éthiques et économiques [27], [28]. Le moment approprié pour arrêter les traitements actifs est une question complexe [29]. La plupart des études, comme la nôtre, montre une sur-utilisation des traitements actifs. Les progrès en oncologie thoracique contribuent à des situations de grande complexité, parfois de grande souffrance et l’augmentation de l’espérance de vie permise
Déclaration d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
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