Article original
Chimiothérapie et fin de vie dans les cancers broncho-pulmonaires : analyse des pratiquesChemotherapy at the end of life for patients with lung cancer. A practice analysis

https://doi.org/10.1016/j.rmr.2014.02.004Get rights and content

Résumé

Introduction

Peu d’études ont analysé l’agressivité des soins (poursuite de soins actifs) en fin de vie chez les patients atteints de cancer du poumon. L’objectif de ce travail était d’évaluer les pratiques dans ce domaine, au sein d’un service universitaire de pneumologie.

Patients et méthode

Cette étude rétrospective a inclus de manière consécutive tous les patients pris en charge pour cancer du poumon et décédés sur une période de 18 mois. L’analyse a porté sur les caractéristiques des patients, les modalités de prise en charge du cancer et les délais entre dernier traitement actif et décès.

Résultats

La survie médiane des 94 patients inclus était de 9,6 mois. Quatre-vingt-douze pour cent des patients ont reçu au moins un traitement actif, poursuivi pendant les 4 et 2 semaines précédant le décès dans respectivement 55 et 22 % des cas. La médiane entre le dernier jour de traitement actif et le décès était de 27 jours.

Conclusion

Ces résultats, concordants avec les données de la littérature, montrent que l’arrêt des soins actifs en fin de vie des patients atteints de cancer du poumon est un problème complexe. Des études prospectives, multicentriques, testant des outils permettant de mieux partager la décision d’arrêt de soins actifs entre équipe soignante, patient et sa famille sont nécessaires pour améliorer la prise en charge de ces patients.

Summary

Rationale

Few studies have analyzed the aggressiveness of the care (continuation of active treatments) at the end of life in patients with lung cancer. The objective of this study was to assess practices in this setting in a university department of respiratory medicine.

Patients and methods

This retrospective study has consecutively included all patients who were managed for lung cancer and died over a period of 18 months. The analysis focused on the characteristics of the patients, the modalities of cancer treatment and the delays between the last active treatment and death.

Results

The overall median survival of the 94 patients included was 9.6 months; 92% of patients having received at least one active treatment. During the 4 and 2 weeks periods preceding death, respectively 55% and 22% of the patients received active treatments. The median time between the last day of active treatment and death was 27 days.

Conclusion

These results, in concordance with the published data, showed that end of life active treatment in patients with lung cancer is a complex problem. We need prospective multicentric studies, with testing tools allowing better sharing of the decisions on active treatment between the medical team, the patient and his family.

Introduction

En France, le cancer du poumon est au quatrième rang des cancers les plus fréquents, avec une estimation de 39 500 nouveaux cas par an [1]. Il s’agit de la deuxième cause de mortalité chez l’homme et de la troisième chez la femme. Malgré les progrès récents, le pronostic reste réservé, avec une survie globale à 5 ans de 14 % et de seulement 3,8 % pour les stades métastatiques [1].

Récemment, plusieurs équipes se sont intéressées à l’agressivité des soins en fin de vie, définie par la poursuite de soins actifs pendant la période précédant le décès [2], [3], [4], [5]. Ces études concernent le plus souvent des populations de patients atteints de tumeurs solides ; les études limitées aux personnes atteintes de cancers du poumon, en particulier à un stade avancé, sont plus rares [6], [7], [8], [9]. Pourtant le cancer du poumon à des spécificités, en particulier une évolution rapide et un nombre limité d’options thérapeutiques au-delà de la première ligne de traitement. Pour le cancer du poumon métastatique, avec une médiane de survie en population générale qui est de l’ordre de 8 mois, on considère que la période de fin de vie est le dernier mois de vie. Il n’existe pas de définition standardisé de l’agressivité des soins en oncologie. Certains [2] ont défini l’agressivité des soins en fin de vie comme la survenue d’au moins un des évènements suivants : chimiothérapie active dans les 14 jours précédant le décès, passage au service des urgences, hospitalisation ou admission dans un service de soins intensifs dans les 30 jours précédant le décès. L’inconvénient de cette définition est qu’elle fait intervenir des éléments d’organisation traduisant des défauts de continuité des soins. En fait la plupart des auteurs définissent la notion d’agressivité des soins par le taux de patients qui reçoivent un traitement actif dans les dernières semaines de leur vie, en général, les 4 et 2 dernières semaines. C’est le cas de l’American Society of Clinical Oncology qui dans le cadre de la Quality oncology practice initiative retient comme critère de qualité le fait de ne pas recevoir de traitement actif dans les deux dernières semaines de vie [10]. Les données épidémiologiques dans ce domaine sont peu nombreuses, en particulier en France.

L’objectif de cette étude est, dans le cadre d’une analyse monocentrique, d’établir le pourcentage de patients traités de manière active en fin de vie et les facteurs prédictifs de l’agressivité des soins.

Section snippets

Patients et méthode

Il s’agit d’une étude rétrospective ayant inclus l’ensemble des patients atteints d’un cancer pulmonaire, décédés, quel que soit la cause, entre avril 2010 et septembre 2011 et suivis dans le service de pneumologie de l’hôpital Saint-Antoine (Paris, France). Les patients pris en charge en partie dans un autre centre médical ont étés exclus.

Pour chaque patient, l’analyse des dossiers médicaux a permis de recueillir les caractéristiques démographiques, socioprofessionnelles, la date de la

Résultats

L’analyse a porté sur 94 patients dont les caractéristiques cliniques sont résumées dans le Tableau 1. La majorité des patients (75 %) était de sexe masculin, la moitié (52 %) était mariée, avec au moins un enfant. Cinquante-huit pour cent des patients étaient ouvriers, employés ou sans activité professionnelle et 9,6 % étaient en précarité sociale. Aucun n’avait rédigé de directive anticipé. Sur le plan tumoral, il s’agissait avant tout d’adénocarcinome (44,7 %) et de maladies avancées

Discussion

La chimiothérapie est le traitement de référence du cancer du poumon métastatique. Son utilisation en fin de vie, et de manière plus générale l’agressivité des soins en fin de vie est un domaine peu étudié. Dans cette étude rétrospective monocentrique, portant sur une série de patients décédés de manière consécutive sur une période de 18 mois, 92 % des patients reçoivent au moins un traitement actif, la survie médiane est de 9,6 mois et le taux de patients recevant un traitement actif les 4 et

Conclusion

L’arrêt des soins actifs en fin de vie des patients atteints de cancer du poumon est un problème majeur avec des enjeux éthiques et économiques [27], [28]. Le moment approprié pour arrêter les traitements actifs est une question complexe [29]. La plupart des études, comme la nôtre, montre une sur-utilisation des traitements actifs. Les progrès en oncologie thoracique contribuent à des situations de grande complexité, parfois de grande souffrance et l’augmentation de l’espérance de vie permise

Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Références (30)

  • J.L. Warren et al.

    End of life care for lung cancer patients in the United States and Ontario

    J Natl Cancer Inst

    (2011)
  • American Cancer Society of Clinical Oncology

    Quality oncology practice initiative: summary of measures

    (2009)
  • F. Andreis et al.

    Chemotherapy use at the end of life. A retrospective single centre analysis

    Tumori

    (2011)
  • S. Braga et al.

    The aggressiveness of cancer care in the last three months of life: a retrospective single centre analysis

    Psychooncology

    (2007)
  • J.F. Goncalves et al.

    Use of chemotherapy at the end of life in a Portuguese oncology center

    Support Care Cancer

    (2008)
  • Cited by (7)

    • Early palliative care, end-of-life, sedation

      2020, Revue des Maladies Respiratoires Actualites
    • La fin de vie, la sédation

      2019, Revue des Maladies Respiratoires Actualites
    • End of life, palliative sedation

      2016, Revue des Maladies Respiratoires Actualites
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